Ces murales de Montréal qu’on aime

L’une de nos guides professionnelles vous présente quatre œuvres parmi ses préférées

Sarah Montpetit Guide de GuidatourUne collaboration spéciale de Sarah Montpetit, guide touristique de Montréal

 

Montréal a longtemps été considérée comme un havre pour les artistes – romanciers, musiciens, peintres, sculpteurs… De nos jours, on pourrait dire que la sphère artistique du moment à Montréal est l’art de rue, plus communément appelé le « street art ». Que vous les appelez des artistes de rue,« street artists », muralistes ou graffeurs, une chose est sûre : ils ont un sérieux talent! Voici quatre de mes murales préférées et quelques lignes sur les artistes qui les ont créées.

Qui est Melissa Del Pinto

Ceux qui ont assisté au Festival MURAL en 2015 se souviendront certainement de l’œuvre de Melissa Del Pinto. Le regard perçant du corbeau, minutieusement encadré et suspendu sur un fond rose vif, est devenu un favori de Montréal. L’artiste dit qu’elle aime le corbeau, car même s’il est souvent vu comme un mauvais présage, c’est un oiseau qui possède selon elle une profondeur émotionnelle insoupçonnée.

Murale de Melissa Del Pinto

L’amour de Del Pinto autant pour l’art que pour les oiseaux s’est manifesté quand elle avait cinq ans. Elle a éventuellement combiné ses deux passions, permettant à sa carrière de peintre de réellement s’épanouir. Ses œuvres sont surtout exposées dans des galeries d’art ou réalisées dans des espaces privés pour des clients corporatifs. Cependant, on a été assez chanceux d’avoir quelques œuvres d’art public de Del Pinto à Montréal.

Hommage à Norval Morrisseau par Melissa Del Pinto

Le corbeau réalisé pour MURAL est désormais parti, mais il y a quelques autres endroits où vous pourrez vous sustenter. Dans la ruelle entre les rues Bishop et Crescent, derrière le pavillon Michal et Renata Hornstein pour la paix du Musée des beaux-arts de Montréal, un hommage à Norval Morrisseau attend les visiteurs. Complété en 2016, il a été commandé par le Musée et produit par l’organisme MU.

Murale de 4 oiseau dont un corbeau, encadrés par une forme hexagonale

Morrisseau, de descendance anishnabe, était un artiste pionnier des Premières nations qui a percé la scène artistique canadienne dans les années 1960. Aussi connu sous son nom de chaman, Copper Thunderbird (ᐅᓴᐘᐱᑯᐱᓀᓯ), il est considéré comme étant l’initiateur du style pictographique Woodlands. Il illustre des animaux, des plantes et des personnes de façon stylisée et avec des couleurs riches. Le symbolisme est au cœur de cet art et représente la réalité spirituelle qui habite et entoure toutes les choses vivantes.

Que représente cette murale de Del Pinto

La description officielle de la murale ne dit pas grand-chose au-delà du fait que sa forme hexagonale rappelle la forme de la fenêtre du musée depuis laquelle les visiteurs peuvent apercevoir l’œuvre. À quelles sortes d’oiseaux avons-nous affaire? Quatre d’entre eux sont de style Woodlands, probablement pour rendre hommage à Morrisseau. Au premier plan figure un oiseau photoréaliste, la marque distinctive de Del Pinto. Peut-être que cela symbolise un lien entre les deux artistes, qui sont tous deux connus pour leur relation spéciale avec les oiseaux?

En regardant plus attentivement, on remarque aussi que le corbeau est d’un côté de la fenêtre et que les oiseaux de Morrisseau sont de l’autre. Autour des oiseaux de Morrisseau, on voit des lignes de communication liées à deux cercles divisés. Ces figures représentent un contraste ou une dualité de quelconque nature, un peu à la manière du yin et du yang. Je me demande aussi si on est censé interpréter quelque chose dans l’incorporation d’une fenêtre dans cette œuvre, sachant que les fenêtres sont les ennemis jurés des oiseaux!

Ces différents éléments accentuent vraiment mon degré d’appréciation de cette murale. Cela nous fait certainement nous questionner et revenir la voir et la revoir encore.

Il y a un autre endroit où voir un authentique Del Pinto à Montréal : le Musée Roméo, le musée d’art urbain situé dans les escaliers au 5455 et 5445 de Gaspé, dans le Mile-End. Elle est l’une des 24 artistes de ce musée, créé en 2018 par la marque de gin montréalaise Romeo’s Gin.

Les personnages aux allures étranges de Mono Sourcil

Une autre artiste dont on peut admirer une œuvre au Musée Romeo est Mono Sourcil. Et elle s’avère être une autre de mes préférées!

Mono Sourcil, dont le vrai nom est Maxilie Martel, est instantanément reconnaissable par ses foules de créatures aux allures étranges. Elle semble entre autres avoir un faible pour les monstres et les robots, mais essentiellement, toutes ses créatures partagent un air de famille… et plusieurs arborent un monosourcil!

L’artiste s’inspire des foules diversifiées des rassemblements dans les grandes villes. Pour moi, les rassemblements hétérogènes dans son art reflètent les festivals, les manifestations et autres grands événements à Montréal, une ville où plus du tiers de la population est née dans un autre pays et où, je dirais, il y a une dose appréciable de mentalité du type vivre et laisser-vivre.

Murale de Mono Sourcil

Mono Sourcil dit qu’elle essaie de transmettre la notion de coexistence pacifique tout en célébrant les différences qui nous définissent. N’est-ce pas magnifique? À un moment où plusieurs personnes semblent enfin comprendre la valeur, la beauté et la force de la diversité, les foules de Mono Sourcil inspirent l’acceptation de l’Autre, peu importe sa forme… cornes, pétales, boulons et tout le tralala.

Le Jardin Secret de Mono Sourcil

Bien que j’aime toutes les murales de Mono Sourcil, j’ai été particulièrement épatée par sa plus récente réalisation à Montréal. Vous la trouverez au 4719 rue Berri, tout juste à l’extérieur de la sortie Saint-Joseph du métro Laurier. Créée dans le cadre du programme Muralité de l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal, la murale a été terminée en juillet 2020.

Murale de Mono Sourcil

Ici, on plonge dans un monde magique tout en fleurs. Quand je l’ai vue la première fois, j’ai tout de suite pensé à la chanson Un matin de mai fleuri dans le classique d’animation de 1951 Alice au pays des merveilles, segment qui – dans la version anglaise – nous rappelle que les fleurs peuvent nous enseigner plusieurs choses. Enfant, Alice au pays des merveilles était l’un de mes films préférés et l’idée que les différentes fleurs aient différentes personnalités – ou même des yeux, des oreilles et des nez – était une révélation pour la petite fille de 7 ans que j’étais. On dirait bien que j’avais vu juste, car le hashtag aliceinwonderland figure dans la publication Instagram de Mono Sourcil à propos de sa murale.

L’incroyable murale Psyché par Insane 51

Pas trop loin de la pièce colorée de fleurs de Mono Sourcil, vous trouverez une autre œuvre fantastique. En fait, vous en trouverez deux, l’une en face de l’autre. Elles sont sur la rue Gilford, entre Saint-Denis et Rivard.

La plupart des gens vont probablement d’abord remarquer la murale géante Éros et Psyché, réalisée dans le cadre du Festival MURAL par Insane 51, qui s’auto-décrit comme un artiste de la double exposition en 3D. Qu’est-ce que ça signifie? La double exposition en photographie consiste à superposer deux images. Quand une image est d’une couleur (rouge) et que l’autre est d’une autre couleur (bleu ou cyan) et que l’on met des lunettes 3D, chaque œil perçoit la moitié de l’information visuelle, résultant en une sorte d’effet 3D. Vous pouvez aussi regarder l’œuvre un filtre à la fois et, ainsi, vous promener d’une image d’une belle fille (image en bleu) à celle d’un squelette (image rouge).

Murale de Psyché par Insane51

La murale que cet artiste grec nous a laissé à Montréal en 2019 est géniale, peu importe la façon dont vous l’observez. C’est aussi intéressant de savoir qu’il s’agit de la moitié d’une murale à distance en deux parties; notre Psyché représente la moitié d’un couple complété par Éros qui se trouve à Leicester, au Royaume-Uni. Regardez ceci si vous n’êtes pas familier avec l’histoire d’Éros et de Psyché et que vous avez envie d’un mythe grec par excellence avec, entre autres, une déesse jalouse, de la laine de brebis à la toison d’or et la vie éternelle.

Célébrons nos boucles avec une déesse du graffiti, Maliciouz

De l’autre côté de la rue, en face de Psyché, on trouve une œuvre plus petite de l’artiste montréalaise Maya Dorviller, aka Maliciouz. Elle décrit son art comme étant afro, urbain et contemporain.

J’aime particulièrement cette œuvre qui a été commanditée par le Salon Académie Nancy Falaise sur la rue Gilford. Voyez-vous, Nancy Falaise se spécialise dans la coupe, le stylisme et le traitement des cheveux non lisses et enseigne aux gens comment prendre soin de ce type de cheveux. Étant moi-même une personne qui déteste ses cheveux frisés du plus loin que je me souvienne, et qui a même déjà passé quatre ans sans se couper les cheveux, je ne peux m’empêcher d’apprécier toute initiative invitant les gens à « célébrer leurs boucles ». Le monde a besoin de plus de belles images de cheveux non lisses!

Murale de Maliciouz

Maliciouz a réalisé plusieurs œuvres à Montréal. Elle participe au festival annuel de graffiti et de culture urbaine Under Pressure. Plus récemment, elle a exposé à la Maison de la culture Claude-Léveillée dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Elle crée parfois des œuvres au Mur Legal sur Rouen, comme celle plus bas pour le festival Haïti en Folie. Mais vous devez être rapide si vous voulez voir celles-ci, car elles se font recouvrir par d’autres œuvres en l’espace de quelques jours.

Murale de Maliciouz dans Hochelaga

J’espère vraiment que Maliciouz recevra un beau grand mur dans l’année à venir, quelque part où des milliers de Montréalais et de visiteurs la découvriraient et verraient ce qu’elle a à dire.

Les éclectiques murales et œuvres de street art de Montréal

Les murales ci-haut sont seulement un échantillon des œuvres que l’on trouve dans les rues de Montréal. On a droit à un mélange éclectique de styles, des œuvres d’art public créées par des gens provenant de divers horizons. Mais chacun de ces artistes a contribué à faire de Montréal une plaque tournante pour l’art de rue. J’ai hâte de voir la suite!

Si vous voulez découvrir plus de murales montréalaises et de talentueux artistes d’ici et d’ailleurs en compagnie d’un guide professionnel, Guidatour offre la visite à pied Montréal tout en murales. J’espère vous y voir!

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Crédits photo
Corbeau  : © Daniel Esteban pour Festival MURAL
Hommage à Norval Morrisseau : © Olivier Bousquet pour MU
Jardin secret : © Arrondissement du Plateau-Mont-Royal